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05 mars 2018

Lucie Charest - lcharest@medialo.ca

Des producteurs de grain floués désespèrent d’obtenir justice

Une dizaine de Témiscamiens auraient perdu autour de 300 000 $

©La Frontière - Lucie Charest

Au moment où un homme d’affaires de Nicolet a été condamné à la prison pour avoir floué des producteurs de grain, trois producteurs témiscamiens, qui soutiennent avoir été floués de la même manière par un des leurs, se sont confiés à La Frontière.

En janvier 2018, Olivier Charrière, un courtier en grains de Nicolet, a été condamné à purger trois ans derrière les barreaux et à rembourser, après sa libération conditionnelle, les 665 000 $ qu’il avait subtilisés à 25 producteurs qui lui avaient confié leurs récoltes entre 2008 et 2009. Il avait été déclaré coupable de vol et de fraude par un jury de 12 personnes en décembre 2017. Depuis, l’homme en a appelé du verdict, mais son histoire a ravivé des plaies encore ouvertes chez plusieurs producteurs du Témiscamingue.

Confiance trahie
Une dizaine d’entre eux auraient été floués par Les Grains du Témis, en 2014, pour une somme avoisinant les 300 000 $. Le propriétaire de cette entreprise, Marc Champagne, a fait l’objet d’une perquisition par sept enquêteurs de l’Escouade des crimes majeurs à sa résidence de Lorrainville, le 26 avril 2016. Peu de temps après, il a quitté la région avec sa jeune famille.
«Nous, on lui a fait confiance. On voulait encourager un gars de la place, une entreprise locale», ont relaté d’une même voix Gilles Aumond, Jocelyn Bibeau et Sébastien Gauthier, trois présumées victimes de Marc Champagne.
«Au début, tout allait bien. Ses services étaient corrects. Il prenait notre grain et allait le vendre dans le bout de Montréal. Pendant les trois ou quatre premières années, on n’avait jamais eu aucun problème avec lui. Quand il y avait un petit retard, on pouvait se fier à sa parole, car il nous remboursait rapidement. Mais à un moment donné, tout a dégénéré. Plus moyen d’être payé», a poursuivi M. Gauthier.

©La Frontière - Lucie Charest

Sébastien Gauthier affirme avoir été forcé d’emprunter 50 000 $ pour rembourser une cotisation au Programme de paiement anticipé qui n’aurait pas été réglée pour lui par Marc Champagne.

Deux fois par semaine
Gilles Aumond, un producteur de Guérin, considère que Marc Champagne lui doit encore 15 800 $ sur une dette totale de 30 000 $. «J’ai réussi à me faire rembourser 14 200 $, un petit peu par petit peu, à force de l’achaler, a-t-il soutenu. Puis, à un moment, plus rien.»
Jocelyn Bibeau, un producteur de Duhamel-Ouest, affirme avoir perdu 42 000 $ aux mains de l’entreprise de Marc Champagne. «Je l’achalais, moi aussi. Je me rendais chez lui minimum une à deux fois par semaine pendant un an et demi, mais je n’ai pas réussi à récupérer une cenne. Une fois, sa secrétaire m’a demandé de ne pas passer pendant les deux prochaines semaines puisqu’il serait alors parti en vacances dans le Sud. Il n’avait pas les moyens de nous payer notre grain qu’il était allé vendre pour nous, mais il avait de l’argent pour aller passer deux semaines dans les pays chauds…», a-t-il relaté.

©La Frontière - Lucie Charest

Jocelyn Bibeau soutient s’être rendu chez Marc Champagne de une à deux fois par semaine pendant un an et demi afin de récupérer son dû.

Difficile à prouver hors de tout doute
D’après la sergente Marie-Josée Ouellet, porte-parole régionale de la Sûreté du Québec, le dossier de Marc Champagne serait encore sous enquête. Cette information a été corroborée par Me Véronic Picard, procureure chef adjointe pour le district de Val-d’Or – Rouyn-Noranda. «Ce dossier n’a toujours pas été soumis à notre bureau», a-t-elle confirmé.
Appelé à commenter le processus judiciaire, Me Marc Lemay s’est dit peu surpris de constater que l’enquête ne soit pas encore complétée. Les accusations de fraude seraient en effet très difficiles à prouver hors de tout doute.
«Il faut démontrer qu’il y avait une intention criminelle de s’approprier le bien d’autrui sans jamais le rembourser, a-t-il mis en contexte. À titre d’exemple, quelqu’un peut avoir pris l’argent qu’il doit à une première personne et la mettre sur son hypothèque avec l’intention de se refaire avec une autre transaction et de rembourser cette première personne par la suite. En soi, cela n’est pas criminel.»

Nous sommes coupables d’avoir fait confiance à un système qui devait nous protéger. -Sébastien Gauthier

Parti faire la belle vie ailleurs
Les trois producteurs rencontrés ont affirmé avoir longtemps hésité avant de porter plainte à la police, car ils craignaient de tout perdre.
«Si on l’avait fait arrêter à ce moment-là, Champagne aurait perdu son entreprise et il n’aurait plus eu la possibilité de nous rembourser. Là, on aurait été sûrs de jamais pouvoir récupérer ce qu’il nous devait», ont-ils tous les trois lancé d’une même voix.
«Sauf qu’à un moment, on n’avait plus rien à perdre, s’est résigné Jocelyn Bibeau. Il a quitté la région. Il est allé se refaire une belle vie ailleurs, dans le bout de Saint-Hyacinthe. Et d’après les photos qu’il publie sur son Facebook, ses affaires ont l’air de plutôt bien aller: il a mis des photos de lui avec deux trucks flambant neufs et une Harley.»
«C’est ça qui nous choque le plus, a renchéri Gilles Aumond. Il faisait la belle vie ici, il fait la belle vie ailleurs. Il s’est reparti une autre entreprise, peut-être même avec une partie de notre argent à nous.»
Coupables d’avoir fait confiance au système
Sébastien Gauthier estime avoir perdu au moins 50 000 $ dans cette affaire. Il aurait même été forcé de les emprunter pour rembourser sa cotisation à la garantie du Programme de paiement anticipé que Marc Champagne devait régler pour lui.
«À chaque mois, quand je fais mon paiement, je pense à lui, déplore M. Gauthier, en serrant un peu les dents. Ça m’a retardé dans mes propres investissements dans mon entreprise. Dans le fond, nous, même si on a porté plainte, il ne s’est rien passé. Et finalement, c’est nous qui sommes condamnés à payer. Nous sommes coupables d’avoir fait confiance à un gars de chez nous et au système qui lui a donné toutes les accréditations qui nous assuraient que nous étions protégés. Nous sommes encore coupables de faire confiance à la justice.»

©La Frontière - Lucie Charest

Gilles Aumond a réussi à se faire rembourser près de la moitié de la somme de 30 000 $ que Les Grains du Témis, entreprise de Marc Champagne, lui devaient.

Enquête toujours en cours
Au moment de mettre sous presse, à la fin de février, l’un des producteurs avait fait part de son immense découragement, car il venait d’avoir eu vent que l’enquête aurait pris fin sous prétexte que les mandats de perquisition émis au printemps 2016 n’avaient pas été rédigés correctement. Cette information n’a toutefois pas été confirmée par la Sûreté du Québec.
«Tant qu’un dossier n’a pas été transmis au Directeur des poursuites criminelles et pénales, c’est que l’enquête est toujours en cours, a indiqué le sergent Hugues Beaulieu. Les mandats de perquisition sont approuvés par des juges. Ce n’est pas un enquêteur qui peut décider de mettre un terme à une enquête.»
Nous n’avons pas été en mesure d’obtenir la version des faits de Marc Champagne. À ses deux derniers numéros de téléphone connus, au Témiscamingue et dans la localité où il est déménagé, un message indiquait que l’abonné ne pouvait être joint.
 

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