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20 juin 2017

Le dossier disciplinaire de la juge Warolin soulève des questions

©Photo Marie-Pier Valiquette

Le dossier disciplinaire de Peggy Warolin a refait surface alors que cette dernière a été nommée juge à la Cour du Québec au début du mois de juin par la ministre la Justice du Québec, Stéphanie Vallée.

Bâtonnière de l’Abitibi-Témiscamingue de 2013 à 2015, administratrice de l’Association des avocats de province et, depuis 2015, commissaire à la Commission des droits de la personne, Peggy Warolin a un C.V. bien garni, digne de la fonction de juge.

Se placer en situation de conflit d’intérêts et induire son client en erreur sont des fautes qui minent la confiance du public -Extrait du jugement du Conseil de discipline

Pourtant, alors en début de carrière et comptant moins de trois ans d’expérience, Me Warolin a fait l’objet de sanctions disciplinaires par le Syndic du Barreau du Québec en février 2010 pour des faits remontant à 2006.

Alors qu’elle était la seule avocate résidant à Témiscaming, elle s’est placée en situation de conflit d’intérêts en acceptant de représenter l’entreprise Tembec dans le cadre d’une transaction immobilière, alors qu’elle représentait déjà un employé de la même entreprise dans un autre dossier… Dossier alors contesté par Tembec.

Me Warolin a par la suite menti à son client en lui disant qu’elle ne représentait pas Tembec. Enfin, elle a entravé le travail du syndic qui enquêtait sur son dossier en omettant de lui transmettre tous les documents qu’il demandait.

Ces fautes lui ont valu 3200 $ d’amende, en plus de se voir obligée de suivre une formation déontologique.

Nous avons demandé au Bureau de la juge en chef de la Cour du Québec une entrevue avec Mme Warolin, ce qui nous a été refusé. «Ni la Cour ni la juge Warolin ne feront de commentaires sur cette situation relative à des événements connus du public et de la communauté juridique depuis plusieurs années», nous a fait savoir Me Annie-Claude Bergeron, adjointe exécutive à la juge en chef.

Perception du public

Au Cabinet de la ministre de la Justice, impossible de savoir si cette information était connue au moment de sa nomination. «Nous ne commentons pas le processus de nomination des juges, qui est un processus confidentiel», nous a écrit Isabelle Marier St-Onge, attachée de presse de la ministre Stéphanie Vallée.

La nouvelle bâtonnière de l’Abitibi-Témiscamingue, Me Nathalie Pelletier, a cependant soutenu que le ministère de la Justice était nécessairement au courant et en a tenu compte dans sa sélection. «S’ils avaient jugé que cette condamnation pouvait nuire à son travail de juge, jamais ils ne l’auraient nommée.»

Pourtant, les faits pour lesquels Peggy Warolin a été mise à l’amende sont sérieux. Comme le mentionnait le Conseil de discipline dans son jugement de 2010, «se placer en situation de conflit d’intérêts et induire son client en erreur sont des fautes qui minent la confiance du public à l’égard de la profession».

«Il faut remettre ces fautes dans leur contexte, tempère Me Pelletier. Elle était en début de carrière, elle était seule sans mentor pour la guider. C’est une erreur de jeunesse pour laquelle elle a payé. En quoi ça remet en cause son intégrité?»

À cette question, l’Association des avocats de province (AAP) a répondu bien malgré elle en septembre dernier. Le site d’information droit-inc.com relate dans un article du 5 octobre 2016 que le conseil d’administration de l’AAP a dû interrompre ses travaux sur une éventuelle déclaration de conflit d’intérêts à faire signer par tous les membres du conseil, dont Me Warolin à l’époque.

Un débat au sein du C.A. a eu lieu afin de savoir si les antécédents disciplinaires de Peggy Warolin la disqualifiaient de son poste d’administratrice. Selon droit-inc.com, certaines personnes autour de la table ont fait valoir que les administrateurs devaient être au-dessus de tout soupçon.

«J’étais présente à cette réunion, a fait savoir Nathalie Pelletier. Les gens qui avaient semé le doute n’avaient pas lu le jugement. Il a fallu les mettre en contexte : c’était une erreur de jeunesse survenue il y a 10 ans dans une ville – Témiscaming – assez isolée.» Effectivement, Me Warolin avait pu conserver son siège.

Cité par droit-inc.com, l’ancien bâtonnier de l’Abitibi-Témiscamingue, Marc Lemay, avait été indigné par cette réaction. «On a une jeune avocate, qui est toute seule dans son bureau, qui se pogne avec le syndic, qui a eu, comment dirais-je, une attitude moins respectueuse que d’habitude, et on voudrait la lapider sur la place publique?»

Au final, même en 2010, le Conseil de discipline du Barreau notait que Peggy Warolin n’était pas de mauvaise foi, ni animée de quelque intention malveillante. Enfin, aucun de ses clients de l’époque n’a subi de préjudice par sa conduite.

Les avocats réagissent

Plusieurs avocats de la région ont fait valoir que le dossier disciplinaire de la juge Warolin était d’intérêt public. «Être condamné par le Barreau à une amende n’est pas incompatible avec la fonction de juge à mon sens. Toutefois, j’estime qu’il s’agit d’une information d’intérêt public, puisqu’il s’agit de fautes sérieuses», a mentionné un avocat de Rouyn-Noranda, qui, comme ses confrères et consœurs, a choisi de garder l’anonymat, car il devra éventuellement plaider devant la nouvelle juge.

«Non. C’est du passé. Ça ne change rien à ses capacités. D’ailleurs, le principe de la réhabilitation est à la base de notre système juridique», a renchéri un autre avocat.

Un troisième juriste a quant à lui soufflé que Peggy Warolin ne cachait pas son désir d’être juge. «Elle était impliquée partout, elle était très active au niveau politique du Barreau. Si elle avait pu le crier qu’elle souhaitait être juge, je crois qu’elle l’aurait fait.»

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