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23 juin 2017

Patrick Rodrigue - prodrigue@lexismedia.ca

L’autre grande grève des années 1930

Avant les Fros, les bûcherons de Rouyn-Noranda ont réclamé l’amélioration de leurs conditions

©Bibliothèque et Archives nationales du Québec – Fonds Joseph Hermann Bolduc

Si la Grève des Fros de juin 1934 a laissé des marques dans l’univers minier du Québec, quelques mois plus tôt, à l’automne 1933, plusieurs centaines de bûcherons avaient eux aussi déclenché une grève. S’il avait alors été considéré comme un échec, ce conflit de travail a pourtant pavé la voie à l’amélioration des conditions de travail en forêt.

Dans l’édition du printemps 2017 du Couvert boréal, la revue de l’Association forestière de l’Abitibi-Témiscamingue, l’historien Alexandre Faucher relate les grandes lignes de cette grève un peu passée sous le radar de l’Histoire.

Conditions déplorables

Tout commence au milieu des années 1920, alors que les prix du bois et du papier journal amorcent une chute importante, exacerbée par le Krach de la Bourse de New York en 1929. Afin de réduire leurs pertes financières, les compagnies papetières confient de plus en plus la coupe de bois à des sous-traitants.

Or, comme ces entrepreneurs doivent assumer les frais des camps forestiers, ils réduisent leurs dépenses au minimum pour conserver une certaine rentabilité. Les bûcherons en subissent les impacts les plus terribles.

«En plus d’accomplir un travail difficile et dangereux, ils doivent souvent vivre dans des conditions déplorables. L’hygiène et la qualité de la nourriture sont fréquemment sacrifiées pour diminuer les coûts de production. Plusieurs frais de pension sont également déduits de leur salaire. Ils doivent aussi débourser les coûts du transport pour atteindre les camps et sont obligés d’acheter, à fort prix, leur équipement de travail auprès du sous-traitant», évoque M. Faucher.

«Pas de communistes ici!»

Au début des années 1930, la Ligue d’unité ouvrière (LUO), une organisation syndicale installée à Timmins et affiliée au Parti communiste du Canada, profite de l’insatisfaction croissante des bûcherons pour sillonner avec succès les chantiers forestiers.

À l’automne 1933, soutenus par la LUO, les 2700 bûcherons de la division Kipawa remettent à leur employeur, la CIP, une pétition où ils réclament une augmentation de salaire, une réduction de la pension et l’amélioration des conditions de vie dans les chantiers.

À la fin de novembre, comme rien n’a bougé, de 300 à 400 bûcherons quittent leurs camps du district de Clérion (45 km au sud-est de Rouyn-Noranda) pour aller se plaindre au siège social de la division Kipawa de la CIP, à Noranda. Le 2 décembre, le gérant du district, Thomas Edward Draper, déclare aux manifestants qu’il «ne se laissera pas mener par des communistes».

Matraques et gaz lacrymogènes

Son discours met le feu aux poudres. Les grévistes décident alors d’ériger une ligne de piquetage sur le chemin Clérion pour empêcher d’éventuels briseurs de grève d’accéder aux chantiers. Le 9 décembre, les policiers tentent sans succès de briser le blocus.

Deux jours plus tard, alors que 200 grévistes sont présents sur les lieux, une douzaine d’agents munis de matraques et de gaz lacrymogènes débarquent en matinée à la ligne de piquetage. Seulement 32 minutes après avoir lu l’acte d’émeute, la police fonce dans le tas.

«Le choc est brutal, rappelle Alexandre Faucher. Les manifestants sont rapidement contrôlés et 71 d’entre eux sont arrêtés. Ils seront condamnés à des peines allant de quatre à douze mois de prison.» Quant aux organisateurs de la LUO, qui s’étaient esquivés lors de l’affrontement, ceux-ci sont retrouvés plus tard à Rouyn-Noranda et accusés d’incitation à l’assemblée illégale et à l’émeute.

La crainte des «agitateurs communistes»

D’abord considérée comme un échec, cette grève des bûcherons a néanmoins entraîné des répercussions positives à long terme. Davantage conscient de leurs conditions difficiles, mais surtout craintif de l’avancée des «agitateurs communistes», le gouvernement libéral de Louis-Alexandre Taschereau votera en effet une loi destinée à améliorer le travail forestier.

Dénoncée par l’opposition, qui lui reprochait de n’être qu’un simple engagement sans réelle portée, cette loi sèmera néanmoins les premières graines de meilleures conditions de travail en forêt.

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