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12 avril 2017

Rénovations: ces projets qui font fuir les banquiers

J’ai profité de quelques jours de congé et d’une météo idoine pour explorer les limites de mes aptitudes manuelles, la semaine dernière. J’ai appliqué du silicone autour de l’évier de la cuisine.

Par Daniel Germain

C’était beau à voir. La langue sortie au coin de la bouche, je suivais lentement la jonction du comptoir et de l’évier avec la pointe du tube de scellant. Tout à coup, je me suis rappelé que, sans être cancre, je ne brillais pas jadis en art plastique.

Je ne qualifierais pas de «malpropre» le résultat de mon initiative. Assez satisfaisant pour déboucher une bière, ce travail ne m’aurait pas pour autant valu une intronisation chez les compagnons des tireurs de joints. On ne décelait pas là l’intervention du pro, ni le potentiel.

Vous l’aurez compris, vous n’êtes pas prêts de me surprendre à jouer de la scie circulaire ou du «gun à clous». Alors, quand Frédéric Poitras, conseiller en prêt hypothécaire chez RBC, m’a parlé des déboires que pouvaient rencontrer les adeptes de «l’autoconstruction», ça ne m’a pas allumé. J’ai saisi l’importance de la question quand un lecteur m’a signalé moins de 48 heures après qu’il avait du mal à trouver sur le marché hypothécaire le financement nécessaire pour ses rénovations. Les banques refusaient de lui prêter parce qu’il voulait effectuer lui-même la majeure partie des travaux.

On touche ici à un aspect du marché hypothécaire avec lequel on est plus ou moins familiers: la garantie que représente le bien immobilier. Sans bien immobilier, pas d'hypothèque. En cas de défaut de paiement, un prêteur voudra toujours s’assurer que la vente du bien mis en garantie pourra couvrir la créance. Une des conditions pour cela est qu’il doit pouvoir être facilement vendu. On ne peut donc pas faire n'importe quoi avec.  

On bascule dans le domaine de l’autoconstruction quand on acquiert le terrain sur lequel on veut faire bâtir sa maison. «Les gens sous-estiment les ressources financières nécessaires pour réaliser ce genre de projet», signale Frédéric Poitras. D’abord, il est difficile d’obtenir une hypothèque pour un terrain sur lequel il n’y a pas de maison. La majorité des institutions financières ne financeront pas l’achat d’un terrain autrement que par un prêt personnel, beaucoup plus cher. Certains prêteurs plus marginaux offrent des «hypothèques mobilières», mais à des conditions moins avantageuses qu’une hypothèque normale, explique Denis Doucet, porte-parole de Multi-Prêts.

On réalise rapidement qu’il ne s’agit pas là d’un projet pour premier acheteur. Un certaine flexibilité financière est nécessaire. Lorsqu’on aura dégoté un terrain et l’argent pour l’acheter, il faut trouver du financement pour construire sa maison. Mais le problème, ici encore, c’est qu’on ne peut pas passer par les canaux habituels. On peut obtenir un prêt hypothécaire seulement lorsqu’il y a, en contrepartie, une maison à offrir en garantie. Mais comme il n’y pas de bien immobilier, il faudra trouver un financement temporaire pour la construction et refinancer le tout avec une hypothèque une fois que la maison sera construite.

«Pour que la banque embarque, il faut qu’un professionnel de la construction pilote le chantier», dit Frédéric Poitras. Comme ça, elle se protège contre les risques qu’un dilettant dans mon genre dilapide l’argent dans un projet qui n’a aucune chance d’aboutir. Il faudra fournir un plan détaillé du projet, avec un échéancier, un budget réaliste et rigoureux qui comprend une marge pour d’éventuels dépassements de coûts.

Mais les vraies mauvaises surprises surviennent lorsqu’on achète une vieille maison dans le but de la détruire sans en aviser le prêteur au moment du financement. Avec une maison sur le terrain, on pourra obtenir un prêt hypothécaire. Mais le piège se trouve justement dans ce petit détail. L’emprunteur ne peut pas altérer le bien offert en garantie, encore moins la mettre à terre. À moins d’être tombé sur un prêteur très compréhensif, il devra habiter la bicoque un bon moment, sans être certain de pouvoir réaliser un jour son projet.

Revenons maintenant à ce lecteur qui s’est buté à des institutions financières récalcitrantes. Il voulait faire refinancer sa propriété de 60 000 dollars afin d’y exécuter des travaux, mais comme il est un autodidacte sans cartes de compétence, on lui a refusé l’accès au crédit.

Encore là, les banques sont frileuses. Elles auraient raison de penser que je pourrais détériorer ma propriété et en affecter la valeur si on me mettait de gros outils entre les mains. Le lecteur est sans doute compétent pour réaliser lui-même ses rénovations, mais sans preuve pour le certifier, comment peut-il convaincre un prêteur qu’il est meilleur que moi en menuiserie ou pour coordonner des corps de métier?

L’institution financière voudra donc que les travaux soient réalisés dans les règles de l’art par un professionnel. Pour sauver de l’argent, un propriétaire pourrait avoir la bonne idée d’exécuter la partie facile des travaux: la démolition. Bonne idée en effet, mais seulement s'il a d’abord obtenu le financement. Car si le prêteur effectuait l’évaluation complète de la maison alors que vous venez d’abattre les murs «vous êtes à risque de vous faire refuser le prêt», dit Denis Doucet. En effet, vous venez de réduire substantiellement la valeur de la maison, donc du bien qui sert de garantie.

Pour illustrer, le porte-parole de Multi-Prêts me raconte cette anecdote du type qui voulait se faire construire un garage. Trop excité à l’idée d’utiliser sa «pépine», l’ami du type en question lui propose de creuser le trou à côté de la maison. Les deux grands garçons s’exécutent sans tarder, on n’a pas tous les jours la chance de jouer avec une pépine grandeur nature. Une fois le plaisir terminé, le propriétaire de la maison passe à l’aspect ennuyeux du projet, soit trouver le financement hypothécaire. Il ne l’a jamais obtenu. Le prétexte: avec ce trou béant, la maison n’est pratiquement plus vendable sans réduire le prix.

Morale de l’histoire: partez à la recherche de financement avant d’entamer un projet d’autoconstruction ou de rénovation important. Et soyez transparents quant à la nature de votre projet. Les solutions seront plus adaptées et moins coûteuses.

Ou faites comme moi: tenez-vous loin de tout outil qui pèse plus de trois kilos.

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